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Finalement, le thymus est utile ! (... à l'âge adulte)

Peut-être comme moi avez-vous vu passer l’annonce de la presse grand public (une grande chaîne nationale !) qui rapporte qu'une "glande" (sic !) qu'on pensait inutile se révèle essentielle à la bonne santé ! Quand on comprend qu'il est ici question du thymus, ce genre d’affirmation peut prêter à sourire... La question est toutefois des plus sérieuses.
un article rédigé par Sylvain DUBUCQUOI 31/10/2023
  • Public : tout public
  • Temps de lecture : 3 minutes
  • Un article rédigé par Sylvain DUBUCQUOI (CHU de Lille) et relu par les Dr Héloïse FLAMENT (APHP, Hôpital Bichat - Claude-Bernard) et Marie-Nathalie KOLOPP-SARDA (CHU Lyon)

CREDIT IMAGEs : DEPOSITPHOTOS

Un article original des plus sérieux !

L'article intitulé "Health Consequences of Thymus Removal in Adults" a été publié au mois d'août de cette année dans la revue New England Journal of Medicine et porte sur les conséquences de la thymectomie à l'âge adulte.

L'étude a initialement inclus :

  • 1 420 patients ayant bénéficié d'une thymectomie à l'âge adulte

  • et 6 021 contrôles

  • Au final, ce sont 1 146 patients thymectomisés qui ont pu être appariés sur le genre et l'âge. Pour plus de 75% des patients, la présence d'une masse thymique était l'indication à la thymectomie.

Une surmortalité et un risque accru de cancers !

Dès la cinquième année suivant l'intervention chirurgicale

  • La mortalité (toute cause confondue) est plus élevée dans le groupe "thymectomisé" : 8.1% vs. 2.8% ; risque relatif 2.9. (La mortalité du groupe thymectomisé est d'ailleurs supérieure à celle de la population générale américaine : 9% vs. 2.5%)

  • Le risque de développer un cancer est également plus élevé : 7.4% vs. 3.7% ; risque relatif 2.0.

  • Après avoir exclu les patients souffrant AVANT l'intervention de pathologies infectieuses, cancéreuses ou de maladie auto-immunes (MAI), le risque de développer une MAI est également plus important dans le groupe "thymectomisé" : 12.3% vs. 7.9% ; risque relatif 1.5.

Une étude portant sur les populations lymphocytaires et les cytokines plasmatiques produites, a pu être menée sur un petit effectif de 20 patients et de 19 contrôles appariés ; en moyenne 14.2 ans après l'intervention chirurgicale.

  • les patients thymectomisés à l'âge adulte ont moins d'émigrants thymiques récents (estimés sur la formation de sjTRECS) que les contrôles et ce, pour les CD4 comme pour les CD8.
  • La production de l'IL-33, de TSLP, de la thrombopoïétine, du G-CSF était supérieure dans le groupe thymectomisé alors que celle de l'IL-10 et de l'IL-1RA était inférieure à celle du groupe contrôle.
Conclusion : Chers amis Chirurgiens, préservez autant que faire se peut, le thymus de vos contemporains, et ce quel que soit l’âge de vos patients à opérer.

Forces et limites de l'étude

Forces
  • L'étude a été menée sur une large population
  • Les résultats se vérifient même après exclusion de patients souffrant de pathologies infectieuses, cancers et maladies auto-immune avant intervention.
Faiblesses
Citée par les auteurs
  • Il s'agit d'une étude rétrospective et elle ne peut être utilisée pour identifier une causalité
Non citées par les auteurs
  • On ne connait pas l'âge des patients au moment de la thymectomie : en clair le risque est-il le même si on est thymectomisé à 25 ans, 40 ans, 60 ans ?
  • Ont été étudiés des patients thymectomisés entre le 1er janvier 1993 et le 1er mars 2020 et des contrôles ayant subi une intervention cardiaque sans thymectomie entre le 1er janv 2000 et le 31 décembre 2009. Une décennie entre les deux cohortes... L'amélioration de la prise en charge des individus d'une décennie à l'autre peut elle impacter leur mortalité ?
  • Le faible nombre de patients pour l'étude des populations lymphocytaires et des cytokines (n = 20 dans chaque groupe).
  • Si la différence en termes de sjTRECS est significative entre les deux groupes, la figure de l'article montre un chevauchement entre les 2 populations étudiées. Probablement le reflet du délai (plus ou moins long et en moyenne de près de 14 ans après l'intervention) entre thymectomie et date de collecte de l'échantillon sanguin. Il est possible aussi que des patients n'aient bénéficié que d'une thymectomie partielle.
Force est de constater que même chez certains contrôles non thymectomisés, les sjTRECS sont indosables... le thymus finit donc bien par involuer !
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